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considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
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24 juin 2016

Brexit, so what now...

Expliquer l’actualité restera toujours une prétention, comme le laissait entendre Fernand Braudel dans Grammaire des Civilisations. Tout au plus peut-on nourrir l’ambition de la mieux comprendre, par tel et tel chemin. Pour ma part, je choisirai le chemin de la philosophie politique. Vous me direz, c'est encore plus prétentieux, vain et inutile, et vous aurez sans doute raison. Mais comme j'en ai plutôt marre de l'actualité, et que j'aime bien les choses compliquées et les trucs assez casse-gueule, je vais tenter de dire avec mes mots à moi comment je vois ce Brexit qui nous choque à quelque degré que ce soit. Essayer de comprendre ce qui se passe et ce qui s'est passé la nuit dernière est un risque. Risque de se tromper dans son analyse. Tout ça pour dire qu'on pourra toujours voir les choses de plusieurs façons. Parce qu'à la différence des Anglais, notre présence au sein de l’UE s’apparente avant tout à l’évitement du pire, conception classiquement libérale de l’Etat. « On sait qu’on est dans la merde », mais on préfère y rester et maintenir un statu quo plutôt que de bouger les choses, dans le sens de s’auto-instituer, car pareil travail démocratique (celui de penser et d’imaginer une société sociale auto-instituée) impliquerait tous les citoyens à sortir de leur égoïsme et de leur paresse intellectuelle, pour réfléchir, se constituer en petits groupes de débats et délibérer (ça serait un travail lourd, de longue haleine qui risquerait surtout d’être interminable, mais l'Homme européen comme la Femme européenne en ressortiraient grandis et certainement plus libres). Bref, comme il n'y aurait pas de place pour la paresse dans pareil projet, on peut toujours rêver ! Pour les partisans du statu quo ou du « restons dans la merde », il s’agit donc de prévenir pour l’heure les atteintes à une certaine intégrité et à la sécurité des individus, rien de plus. La vieille antienne « dans le doute, abstiens-toi » est bien connue. Ce vote montrerait en tout cas (selon la presse et la doxa) que d’un côté on aurait des gens qui ont peur de l’immigration, de l’autre des gens qui ont peur pour leur porte-monnaie (ou pour leur pouvoir d’achat). Bref, des deux côtés, le même type d’individus : des gens appeurés et des bourgeois de surcroît, se faisant des films et des scénarios à n'en plus finir. Et la presse forcément s’en fait le relais (plus bourgeois que la Presse, tu meurs...).  

Cela dit, et sérieusement, les risques d’une souveraineté populaire comme le souhaite maintenant le Royaume Uni qui a voté la nuit dernière à 52% la sortie de l’Union européenne sont réels et énormes (repli identitaire, inflation, nationalisme, racisme, conservatisme forcené, paralysie de quelques institutions, de nouveaux problèmes avec l’Irlande du Nord et l’Ecosse, bref une série de problèmes que le Royaume Uni n'est pas prêt de résoudre en un claquement de doigts ni en l'espace de trois ou quatre mois). Et puis dans ce chaos réel ou apparent (on ne mesure pas encore les effets), le problème majeur, quand on y réfléchit, est double, parce qu’en même temps, confrontés à notre scepticisme politique à l'égard de la non-politique commune, nous ne pouvons ignorer plusieurs aspects qui ne tournent pas rond au sein de l’UE: politique commune et défense commune quasi-inexistantes, ultralibéralisme sans aucune limite, si peu de régulation, influence du FMI qui impose ses diktats à Bruxelles, droit du travail qui part à vau l’eau un peu partout en Europe, exploitation de masse, précarisation de masse, politique ultralibérale sans vergogne, humanité considérant l’homme et la femme comme de la marchandise, loi de la jungle, surdité de Bruxelles, incohérence de toute politique sociale, désignation de nouveaux boucs émissaires, désintégration du social, ventes massives d’armes, volonté de diviser les peuples (à leurs corps défendant). A un moment, il faut choisir et assumer son choix, disait un homme politique que je n'ai pas envie de nommer. Sauf qu'il oubliait de dire que reste ensuite tout à imaginer, et à tout reconstruire… Et que sans projet, ça ne tient pas. Or, l'UE n'a plus de projet, et ceux qui en sortent, n'en ont pas non plus... Aussi, en général, on reconstruit après une guerre… La guerre financière a sans doute assez duré... C'est sans doute le vrai sens de ce Brexit. Un « Non » ferme aux banquiers et au pouvoir de la City... Je souhaite bien du courage à mes amis Anglais, car la tâche ne va pas être simple. Ni pour eux, ni pour nous.

Alors, que veut dire ce « Brexit » ? Qu’implique-t-il ? La fin de certains avantages certes (fin des subventions de la part de Bruxelles, etc.). Mais pas seulement. C’est, provisoirement en tout cas, et de par la faute sans doute à David Cameron qui a trop joué avec le feu (c’est bien lui qui a lancé l’idée de ce référendum) un temps de réflexion. Mais un temps de réflexion qui risque de coûter cher... Les négociations vont aller bon train. Et ça risque d'être plus compliqué qu'on ne le croit. Enfin et surtout, si on parle de réflexion, y a un truc qui cloche. Car si les Anglais ont bien réfléchi avant de consommer leur divorce, à quoi vont-ils réfléchir maintenant, concernant les futurs échanges avec l'Europe? Bruxelles risque d'être sévère avec le Royaume-Uni. Mais pire encore, Bruxelles pourrait même en arriver à se saborder (car c'est bel et bien l'objet de ce post, l'UE est en déroute depuis pas mal de temps), entraînant avec elle une dégringolade dont certains pourraient bien profiter... Autre question : Assistera-t-on enfin dans les années à venir à la construction d'une Europe fédérale forte et cohérente? Rien n'est moins sûr... Faut-il donc casser l'UE avant de faire une Europe fédérale forte et juste? En attendant, pas de panique : les déplacements et les échanges avec les îles continueront. Et ce n’est pas parce que les places boursières dégringolent que l’on doit paniquer. Ceux qui paniquent un peu pour l'heure, à mon avis, ce sont les traders, les actionnaires, etc. 

Au final, on ne sait trop comment faire. On sait toujours ce que l'on quitte, mais on ne sait jamais ce que l'on trouve après... C'est la fameuse théorie du risque. Et pourtant, avec le chaos que ce Brexit risque d'engendrer, ne voient-ils pas que le statu quo et leur incapacité à penser une politique juste met toute l'UE en déroute (pour ne pas dire en pleine banqueroute) ? Car finalement, tout est à repenser. Dans la « justice », ou dans ce qui est juste. Or que voyons-nous depuis une trentaine d’années ? De la corruption un peu partout (petits arrangements entre politiciens et le monde des affaires), à Bruxelles, Paris, Berlin et même à Londres (avec les conséquences et les inégalités que l'on sait : des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres). Les classes populaires ont donc voté majoritairement « Leave » parce qu’elles en ont assez. Et je ne pense pas pouvoir les en blâmer au final. C’est une réaction humaine, historique certes, répréhensible sans doute aussi, mais humaine avant tout. Qui montre avant tout l’échec de l’UE.

Cela pose également le problème de la liberté absolue ou « positive », celle qui est sans régulation, autrement dit sans autolimite. Car sans autorégulation, sans crainte (hélas) d’une Europe forte et juste, l’homme part sur la pente glissante qui conduit à l’enfer totalitaire. Nos révoltes également devraient être régulées. Et dès qu’il y a révolte, nos hommes politiques devraient tendre l’oreille et non se les boucher. On relira à ce titre l’ouvrage d’Albert Camus (L’homme révolté). Mais, dans ce brouillon qu’est le mien, où j’essaie de discerner les choses à ma petite échelle, je me dis qu’une justice, ou disons une Europe juste, passerait forcément par un équilibre sain entre « liberté positive » et « liberté négative » (pour reprendre les thèses de Judith Shklar, relevées d’ailleurs par Castoriadis et de bien d’autres encore), pour noter ceci : une théorie de la justice et de la liberté qui ne définit pas ses propres réquisits institutionnels, sociaux et moraux est incomplète. Une théorie de la justice sans autorégulation des marchés est incomplète également. Il est normal de remettre en cause ou en question certaines institutions. Les remous de demain (la sortie de l’Allemagne est une forte éventualité, comme celle de la Hollande, du Danemark et de la Pologne) secouent l’Europe et risquent de provoquer des guerres larvées et sans fin. En tout cas, un éclatement certain de l'UE pour tout recommencer et repartir à zéro. L’Europe ne trouvera pas de solution d’ici 2017, c’est mathématiquement impossible. Mais à la rigueur tant pis. Ce sera un temps de turbulence conséquent, forcément, et ce sera presque chacun pour soi (ou par regroupements communautaire)… Sauf que : est-on prêt pour une Europe à l’américaine, sans foi ni loi, avec des loups un peu partout (telle que montrée dans la série Fargo produites par les frères Coen), pour caricaturer un peu?

Conclusion : On n’a pas besoin d’un chef, mais d’un gouvernement politique commun actif (et donc ni passif et ni opaque) avec une vraie volonté politique (sociale, solidaire, faisant l’équilibre entre liberté positive et liberté négative) avec des propositions concrètes, soutenues par une majorité d’Européens responsables et conscients, délestés de tout sentiment de haine et de crainte, mais qui ont le désir d'apprendre, de lire, qui se sentent non pas citoyens (je déteste ce mot), mais qui sont avant tout des individus ayant suffisamment de discernement pour décider, quitte à créer de nouvelles institutions et de nouvelles formes de « solidarités justes » (notamment au niveau fédéral). Et enfin, pour reprendre la thèse de Simone Weil, la fin d'un régime des partis. Mais, là, c'est une autre histoire à écrire... 

 

Brexit

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