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considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
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27 décembre 2023

Steve Lacy, une sélection...

Steve Lacy School DaysSteve Lacy ClinkersSteve Lacy NY Capers and QuirksSteve Lacy Dreher Paris 1981

 Les prix affichés sur amazon marketplace sont franchement indécents, quand lors de sa sortie en 2003, on pouvait trouver ce coffret Hat Hut comprenant 4CD pour 40 euros (somme déjà conséquente). Mais qu'attend donc le label Ezz-thetics pour rééditer cette merveille des merveilles ? Depuis deux-trois ans maintenant, Werner X. Uehlinger ne supervise-t-il pas un travail de rééditions (et de restaurations) sur son nouveau label ? (1) Lors d'un déstockage en 2008, la boutique Harmonia Mundi avait même proposé ce digipack luxueux pour 20 cacahuètes ! Quelle ne fut pas ma surprise ! Fauché, je n’avais pu saisir l'offre (ou l'occasion) et dus me contenter d'un spécimen emprunté à la médiathèque. Cela dit, il y a quelques mois, j’ai pu le trouver à 19 euro dans un état très correct. Pour les moins chanceux, restent les sites en streaming où l'on pourra toujours cueillir la totalité du contenu (quasiment cinq heures de musique délectable !). L'art du dialogue et l'inspiration brûlante entre ces deux-là (‎ Steve Lacy  au saxophone soprano et  Mal Waldron  au piano), ça n'est un secret pour personne (que l'on se souvienne de quelques albums, tels  Sempre Amore  et  Communiqué  parus chez Soul Note respectivement en 1986 et 1997, ou encore le superbe  Hot House  publié chez Novus en 1991). Avec ce Live de 1981, on tient la trace de leur toute première performance en duo. Plus qu'un document, c'est un équilibre parfait en termes de contraste musical, de communion et de complémentarité. Deux fortes singularités. Deux Géants du jazz. Deux monstres sacrés.


D’anciennes éditions séparées existaient (voir ‎ Live at Dreher : Round Midnight  et ‎ Live at Dreher : The Peak ). Le son est ici parfait. ‎ Live at the Dreher (Paris, 1981)  est surtout un must en termes de musiques improvisées. Il fait partie de ces enregistrements gravés dans le marbre. Une priorité absolue, la pérénnité logique d’une amitié musicale qui avait débutée à la fin des années 50 (leur premier rendez-vous,  Reflections , un album en quartet exclusivement centré sur le répertoire de  Thelonious Monk ). Ce coffret fait bien sûr partie de l’acmé discographique des deux comparses. Un rendez-vous inoubliable devant un public restreint (la captation eut lieu entre le 10 et 14 août 1981). Quand on réécoute le tout aujourd’hui, les mots ne peuvent rien. On est traversé par un je-ne-sais-quoi qui vous dépasse. Beauté... Inspirations... Surprises... Et ce sentiment de plénitude. C'est donc une somme colossale, une borne dans l'histoire du jazz, au même titre que tous ces live jazziques que vous réécoutez parfois ou avez en tête (2). Sous leurs doigts, nos deux Artistes bousculent les notes, malaxent les thèmes, creusent des sillons dans votre âme (Deep Endeavors, A Case of Plus 4s). Si en Art, le mot « transcendance » prend tout son sens, c'est bien ici. La musique, tantôt ascétique, tantôt re-belle, prend des hauteurs insoupçonnées. Le répertoire alterne quelques compos de Monk (Round Midnight, Let's Call This, Epistrophy, Well You Needn't) avec d'autres du répertoire de ces deux géants (The Seagulls of Christiansund, Blinks, The Peak, Herbe de L'Oubli...).

Voici donc un écrin, un trésor inestimable. Sincérité et authenticité dans l'interprétation, explorations et interactions comme on l’entend peu de nos jours. Mieux : ces deux titans du jazz nous offrent un sommet dans l’art du dialogue. Jamais, sans doute (sauf chez Monk, Trane, Miles, Charles Mingus, Bill Evans, Paul Bley, Roscoe Mitchell, Chet et Stan Getz) n'avions-nous eu droit à ce que le jazz à de plus grand et de plus ESSENTIEL sans que ça ne tombe dans la mièvrerie ou la sensiblerie... Bien au contraire. Ici, tout se joue dans le présent et l'éternité, dans la profondeur et la légèreté, dans l'instant et l'histoire, sans politesse forcée, sans afféterie, ni faux-semblant. Essentiel, je vous dis. Quand on réécoute par exemple Deep Endeavors (plage 7 sur le disque 1), l'auditeur ne peut qu'admirer le propos. La complicité, la connivence et le dialogue sont portés par deux Artistes qui aiment la Mélodie et les Mystères. Ils se rient parfois de ce qu’ils jouent. Mais jamais (ô grand jamais !), ils ne prennent le public pour des ignares ou des rigolos. Pas d’esbroufe par ici. Ni de cacophonie. Ces quatre heures trente de Musique traversent le Temps et le Temps nous traverse avec eux, sans la moindre incidence sur nos caractères et le leur, même s'ils sont déjà, tout là haut, ailleurs, au milieu du firmament.  Mal Waldron  nous a quittés en décembre 2002,  Steve Lacy  en juin 2004. Ce témoignage discographique prouve une nouvelle fois qu'ils l'étaient déjà, tout là-haut ou tout en bas (je ne fais pas de différence). Une façon de Naître et de Renaître. Avis aux amateurs /amatrices...

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(1) En effet, depuis 2019, Werner X. Uehlinger (l'ancien propriétaire de Hat Hut / Hatology, label maintenant défunt...) supervise une série impeccable (pour ne pas dire sublime) intitulée Revisited (pour plus de renseignements, visiter le site du label Ezz-thetics, titre donné en hommage à la galette incontournable de George Russell...). Les exemples et les travaux de restauration ne manquent pas, que ça soit du côté de Marion Brown (‎ Why Not ? Porto Novo ! Revisited ), Archie Shepp (‎ Blasé & Yasmina Revisited ), Jimmy Giuffre ( Free Fall Clarinet  et  Graz Live 1961 ) ou John Coltrane ( Impressions Graz 1962  et  My Favorite Things Graz 1962 ). De quoi faire mal au porte-monnaie quand même et ne manger que du riz pendant de longs mois... Et hop à la diète !

(2) Pour le dire autrement, pour moi, ce coffret est aussi essentiel que le fameux  Live at The Plugged Nickel  (Miles Davis) et le légendaire  The Complete 1961 Village Vanguard recordings  (John Coltrane). Citons (et savourons) d’autres « live » tout aussi indispensables tels le  Complete Live at Café Bohemia  par le quintet de Kenny Dorham (Blue Note, 1956), ou encore  The complete live at the Village Vanguard 1961  par le trio de Bill Evans, les deux volumes au Five Spot Café par le quintet d'Eric Dolphy ( At Five Spot, volume 1  ‎et  At Five Spot, volume 2 ), les deux volumes par le trio d'Ornette Coleman à Stockholm en 1965 (chez Blue Note), sans oublier The Complete 1975 Toronto recordings de Paul Desmond (paru chez Mosaic en novembre 2020), complétant le déjà très bon ‎ Live !  et enfin le Live 2-4 de feu Jim Hall (en vente uniquement sur le site de l’artiste) lequel coffret complète le magnifique  Live !  donné à Toronto la même année... On ne pourra faire l'impasse sur le superbe  Live at Historic Slugs  par le quartet de Charles Tolliver ni sur quelques lives de Charles Mingus (comme ce fameux doublé  At Carnegie Hall  qui vient de paraître chez Rhino...). Quelques concerts de Duke Ellington et de Thelonious Monk restent incontournables (‎ At Newport, 1956 2CD  et  The complete Live at the It Club  par exemple). Le sublime et indispensable coffret  Blues for the Fisherman 4CD  par le quartet d'Art Pepper est réservé aux amateurs du saxophoniste (concert donné au Ronnie Scott en 1980, soit quelques années après les fameuses soirées au‎  Village Vanguard  dont on aimerait voir apparaître une nouvelle édition, cela étant dit en passant...), et puis tant qu'on y est, mentionnons le colossal coffret ‎ The complete live at the Village Gate 1962  par le quartet de Sonny Rollins avec Don Cherry, sans oublier la toute récente publication Blue Note du coffret de Lee Morgan au Lighthouse ( The complete Live at the Lighthouse ). Bien sûr, cette chronique est très subjective. Celle d'un passionné complètement toqué de jazz et de musiques improvisées. Je tiens enfin à remercier tous les critiques de jazz professionnels, de Francis Marmande à Sylvain Siclier en passant par Frédéric Goaty, Frank Bergerot, Frank Ténot, Franpi Barriaux et bien d’autres encore.

 

 

 

 

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