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considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
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17 mai 2016

redécouvrir Kenny Barron... * * * *

kenny Barron Trio - Sweet Lorraine (1991)

Très bonne session studio de Kenny Barron avec sa grande rythmique des années 90 : Ray Drummond (contrebasse) et Ben Riley (batterie). Jazz foncièrement classique, Lemuria Seascape s’écoutera sans peine ni reproche. A cette époque (1991) tout semblait réussir au dernier pianiste de Stan Getz (ses sessions chez Candid, Criss Cross, Enja et Verve en témoignent de façon significative). Dès le premier thème, le pianiste nous propulse dans un jazz très efficace. Menée à un tempo d’enfer, « Lemuria » (une composition originale) est marquée par une structure bop de bon aloi, soutenue par une section rythmique énergique : faut dire que ses deux acolytes ne sont pas nés de la dernière pluie (l'un pour avoir côtoyé Thelonious Monk, l'autre pour s'être illustré aux côtés d’Art Farmer et bien d’autres encore). Pour l'amateur de jazz que je suis, c'est peut-être le thème le plus passionnant, avec « Seascape », « The Magical Look in Your Eyes » (balade de toute beauté), et surtout « Maria Isabel »... Cela dit, dans mon évaluation, je ne serai pas aussi dithyrambique que le chroniqueur précédent, car ce set studio malgré ses qualités ne vaut pas les fameuses captations « live » avec la même rythmique (Live at Bradley's et The Perfect Set). Mais ne gâchons pas notre plaisir, car du plaisir, il y en a. Et l’on peut toujours compter sur le pianiste pour nous conter de belles histoires inoubliables (ah, ce gospel joué en solo, sur « Slow Grind »). Et même si parfois quelques compositions me paraissent un peu en dessous des autres côté inspiration et interprétation, tout cela reste de la « belle ouvrage ». Disons que dans le jazz, j'aime bien les surprises. Et le travail bien fait. Toutes ces qualités sont bien sûr présentes ici.

Il y a bien deux ou trois moments où l'ensemble me paraît un peu convenu (le jeu de Drummond sur le thème de Monk, « Ask Me Now », ne me convainc pas toujours), sans toutefois ôter une once d'attention... Même remarque pour la version de « You Go To My Head », qui s'étire un peu en longueur sans vraiment accrocher l'auditeur que je suis... Véritable obsession pour moi, dans l'art du trio, un enregistrement studio me paraîtra toujours moins fascinant qu'un enregistrement capté « live » (sauf rares exceptions)... Simple point de vue... Mais bon, là, je pinaille... Cet enregistrement gravé au studio de Rudy Van Gelder à Englewood Cliff (en janvier 1991) reste malgré tout très bon et de le réécouter ce soir m’apporte beaucoup de sérénité et de chaleur. « Sweet Lorraine » est par ailleurs une balade magnifiquement interprétée, longtemps associée au répertoire de Nat King Cole... Le piano de Barron fait des étincelles, vous enlace, vous étreint, c'est du très grand art, y a pas à dire... Ah, ces introductions au cours desquelles tout est dit en deux-trois minutes... L'auditeur ne peut qu'être séduit par tant d'élégance, surtout quand Ben Riley propulse « Sweet Lorraine » sur un tempo de velour. « Fungii Mama » est un thème de Blue Mitchell, trompettiste à la carrière éphémère chez Blue Note et Riverside, une mélodie calypso bien enlevée.

Quant à « Slow Grind », il montre tout le talent de Barron quand celui-ci joue en solo. Il s'agit d'une composition originale où l'on perçoit toute la compréhension du pianiste pour le Blues et le Gospel. Il faut entendre comment Barron joue de la main gauche. Rythmiquement, c’est parfait... Le thème suivant est un standard archi rebattu, « Have You Met Miss Jones? ». Cette version est très légère, grâce au jeu remarquable de Ben Riley aux balais. Tout est maîtrisé, c’est du grand art. Cette interprétation vous rappellera tous ces versions archi connues de pianistes tels qu'Oscar Peterson, Tommy Flanagan ou encore McCoy Tyner. Techniquement, c'est très bien interprété... Enfin, « Maria Isabel » est l'un des plus beaux thèmes de ce très beau disque, une pièce dont la structure rappelle bien entendu le style de la bossa nova, l'un des « trucs » dont Barron possède lui seul le secret (écoutez son « Alter Ego » dans le fameux Live at Bradley's que j’évoquais plus haut, ou encore cette version inoubliable de « Twilight » dans The Perfect Set : c’est du même niveau d’inspiration et de grâce musicale). Quand la session se termine sur « Seascape », magnifique composition du pianiste, bourrée de swing, l'on se dit que l'on tient forcément un grand disque dans la formule reine du jazz, même si certains thèmes auraient parfois mérité un traitement plus original... Du moins de mon point de vue... Cela étant dit, cette galette est à ne manquer sous aucun prétexte si l'on aime beaucoup le pianiste et l'art du trio de piano jazz. Kenny Barron continuera de toute façon à faire des envieux et des jaloux. La science de ses accords, son doigté, son phrasé en font encore à l’heure actuelle l’un des aristocrates du piano jazz. Et un pianiste rare.

Kenny Barron Lemuria

 

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