Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
Publicité
Archives
6 juin 2022

PANDORA, UN FILM UNIQUE ET INOUBLIABLE

Enfin une restauration digne pour un film « culte » ! Injustement boudé aux Etats-Unis lors de sa projection en salle en 1951,  Pandora  fut mieux accueilli en Europe. Aujourd'hui, un tel fleuron du Cinéma est incontournable et se bonifie avec le Temps. Et justement, de Temps, parlons-en car c’est l’une des thématiques majeures du film. L’amour défiant le Temps et le Temps défiant la mort… Un récit « hors du Temps, comme si nous étions enchantés ». Avec le soutien de Martin Scorsese, Carlotta a donc réalisé un travail éditorial remarquable. Le Blu-Ray et le DVD ainsi que le Digibook sont sortis il y a quelques semaines seulement (voir respectivement ‎ Pandora  pour le Blu-Ray,  Pandora  pour l’édition DVD, et  Pandora  pour le coffret ultra-collector, Carlotta octobre 2021). Après l’avoir visionné deux fois, je peux vous dire que le résultat est prodigieux. C’est un film que j’avais découvert au Cinéma de Minuit il y a une bonne vingtaine d’années. L’image est ici nettoyée, beaucoup plus nette, beaucoup moins sombre que sur les éditions Films Sans Frontière ( Pandora ) et Montparnasse (‎ Pandora ). D’ailleurs, dans un bonus, nous est proposée la comparaison de l’image restaurée avec celle qui ne l’est pas. Du travail de pro ! Des documentaires, il y en a aussi à profusion et non des moindres, puisque l'on pourra également entendre Jack Cardiff (1929-2009) s’exprimer sur le film (il fut le chef-opérateur). Le fait qu'il rappelle son expérience lors du tournage en Angleterre et en Espagne est un mets succulent pour nous autres cinéphiles (Ah, la beauté de l’accent british !). Souvenez-vous : Cardiff avait été aussi responsable de la photographie pour  La Comtesse aux Pieds Nus  (1954) de Joseph L. Mankiewvicz,  Le Narcisse Noir  (1947) et  Les Chaussons Rouges  (1948), deux films réalisés par Michael Powell et Emeric Pressburger.

Le récit débute en 1930 à Esperanza, et s’étend sur neuf mois – ça n’est pas anodin. Des pécheurs trouvent dans leurs filets deux corps sans vie. Un homme et une femme. Qui sont-ils ? Ou plutôt : qui étaient-ils ? Et que s’est-il passé ? Ava Gadner (alors âgée de 29 ans) est pour la première fois sous les projecteurs du Technicolor. Amusant par ailleurs que ce tournage se soit déroulé principalement en Espagne : l’actrice s’y installera plus tard… 
Pandora and the Flying Dutchman , c’est avant tout le récit tragique d’un mythe. La boîte de Pandore, tout le monde connaît. Le scénario est extrêmement bien écrit et d’une poésie stupéfiante. La force symbolique est d’une richesse inouïe. Cette histoire de « vaisseau fantôme », avec son capitaine qui sillonne les mers depuis des siècles pour retrouver son amour, ne peut laisser indifférent... Si vous aimez les contes et les légendes, si par ailleurs vous avez un petit faible pour Shakespeare (car il y a des passages très shakespeariens dans ce film, des passages que n’auraient pas renié un certain Orson Welles par exemple, notamment dans le flashback retraçant le passé du Hollandais Volant), et bien, vous ne le regretterez pas ! La même année, sortaient trois autres fleurons du Cinéma :  People Will Talk  de Joseph L. Mankiewicz,  The Browning Version  d’Anthony Asquith (récompensé à Cannes) et  The African Queen  de John Huston (avec, à la photographie, devinez qui... et oui, encore lui : Jack Cardiff !). Mais  Pandora  est un film à part. Non seulement la mise en scène est très soignée (ah, ces décors sur la plage !) mais l’interprétation est également inoubliable, pour ne pas dire bouleversante. Acteurs et actrices y sont touchants de justesse. Comment ne pas saluer la performance de James Mason dans l'un de ses plus beaux rôles avant celui qu’il tint l’année suivante dans ‎ L’Affaire Cicéron  ?

Enfin, sur « l’amour passion » (2), je ne pense pas qu’il y ait mieux ou que l’on ait fait mieux depuis… La passion amoureuse (d’autres diraient tout simplement l’amour), c’est quand l’un consent à donner sa vie pour l’autre (lire à ce sujet ce qui m’apparaît comme l’essai le plus abouti encore aujourd’hui : 
L’amour en Occident  de Denis De Rougemont, avec une approche littéraire traversant toutes les époques – de la mythologie grecque au roman en passant par la Renaissance, l’amour courtois, Tristan et Iseult, Racine, Corneille et Shakespeare, etc. Albert Lewin (auteur de trois autres films remarquables, dont  The Private Affairs of Bel Ami  et  The Picture of Dorian Gray ) crée avec une précision mathématique et géométrique un microcosme quasiment clos qu'il peuple d'une foule d'êtres captifs : tous ces hommes raides dingues de ‎ Pandora  luttent contre le désespoir. Ces vivants (et ces morts-vivants) désirent tous cette « femme-déesse ». Le cinéaste a entièrement écrit le scénario. Se plairait-il à nous avertir que la passion amoureuse relève de la folie (« magnifiquement fous », déclare Pandora à un moment clé) ? En tout cas, « l’amour est aussi profond que la mort », et les deux sont inséparables. Lewin fait régner enfin une caste aristocratique (en parfait décalage avec une population religieuse et superstitieuse). Cette caste est cela dit tout aussi conditionnée par ses croyances en des mythes, que ça soit Hendrick Van der Zee dit le Hollandais volant (James Mason, en noble aristocrate au visage inquiétant), ou le professeur et traducteur de textes anciens (sobrement interprété par Harold Warrender), ou encore le matador Juan Montalvo interprété par Mario Cabré, sorte de double de la figure légendaire de « Manolete ». Et puis, il y a Pandora (Ava Gardner), incarnant l’artiste et la femme ô combien énigmatique et désirée...

______________________________________________________

(1) Superbe édition donc (aussi bien pour le DVD que le BR) pour le 70ème anniversaire du film (1951-2021) : version originale (avec possibilité de sous-titres en français uniquement). La version française est également disponible. Quand on connaît bien le film (indiquons par ailleurs que le tournage a duré cinq mois...), il est possible d’ôter les sous-titres pour apprécier la qualité de l’image et de la restauration. De vraies toiles de peinture s’offrent alors sur votre écran (Lewin était un admirateur de 
Magritte , ‎ Dali  et surtout du peintre italien d’origine grecque  Giorgio De Chirico , l’une des figures de la peinture métaphysique). Ce film, c’est vraiment du grand Art, dans tous les sens du terme. L’un des « 100 films de ma vie »… Parmi ces histoires de vaisseau fantôme, j’aimerais cela dit revoir (ça n’existe toujours pas en Blu-Ray ni en DVD) Le Vaisseau Fantôme de Michael Curtiz (1941) avec John Garfield, Edward G. Robinson et Ida Lupino, ainsi que Strange Cargo de Frank Borzage (1940) avec Clark Gable et Joan Crawford. Ah ! mes amis chez La Rabbia, Sidonis, Carlotta et Wild Side, si seulement, un jour…

(2) Remarquez que les mots « passion » et « pathologie » ont la même étymologie… En tout cas, l'interprétation reste ouverte et c'est même dans la multiplicité des lectures du film que réside son infinie richesse. De belles réflexions par exemple sur la sécurité dans le mariage, mais aussi sur les filets de l’amour (un piège ? la mort assurée ?). D’autres réflexions se greffent autour de la jalousie, de la séduction. Des références enfin sur la fidélité et l’infidélité et la soi-disant impudeur des femmes. Lire aussi l'excellent commentaire de Tornado. Bref. Ce film est un panorama saisissant sur toutes les formes d’amour. Magistral.

(3) Signalons à toute fin utile que James Mason et Ava Gardner avaient joué ensemble dans East Side, West Side deux ans plus tôt. En français : 
Ville Haute, Ville Basse  (1949) sous la direction de Mervyn LeRoy, le réalisateur de quelques films plus ou moins remarquables, tels  Je suis un évadé , Johnny, roi des gangsters , et  La Valse de L'ombre ). On indiquera enfin que dans East Side, West Side, on trouvait deux autres acteurs fabuleux : Barbara Stanwyck et Van Heflin. Mais c'est un film que je n'ai toujours pas vu, hélas... Et maintenant, vous pouvez vuter ou ignorer ce commentaire, à votre guise.

PANDORA

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité