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considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
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23 octobre 2016

petits poèmes en prose...

Schwab Soro Marche Vers L'Avant

L'extrait ci-dessus est tiré de leur premier album (label Neuklang, 2014) et donne une idée de leur esthétique poursuivie dans Volons ! (Neuklang, 2016).

 Ils ne paient pas de mine et pour l’heure leurs noms ne vous évoquent rien sans doute... Et pourtant, il y a deux ans, ils publiaient un premier album réjouissant qui surprit le petit monde du jazz (simplement intitulé Schwab Soro). Bon, il est clair que pour celles et ceux qui les ont déjà repérés au sein de Ping Machine, collectif à géométrie variable assez impressionnant, Raphaël Schwab et Julien Soro ne sont pas tout à fait des inconnus. Sous leurs allures de dilettantes (voir la pochette que je trouve très rigolote...), les deux complices se livrent à un dialogue passionnant qui tient une nouvelle fois toutes ses promesses. Sonorités d’une brillance exceptionnelle. Humilité de la démarche. D’un côté la contrebasse de Raphaël Schwab, de l’autre le saxophone alto de Julien Soro. Un répertoire authentique, une grande classe dans le jeu. Des idées, de la légèreté, et encore beaucoup de poésie. Mieux, la prise de risque est vraiment de mise au cours de cet enregistrement studio. « Volons ! » est un disque surprenant, bucolique par endroits, plein d’humour dans d’autres, et puis, ce qui compte toujours, c’est cette sonorité individuelle et collective à la fois mise en valeur par un ingé du son qui a accompli un remarquable travail (pas d’amplification grossière sur les instruments !). Bref, si vous recherchez un disque de jazz bien foutu, bien dans l’air du temps mais avec ce détachement nécessaire par rapport à ce trop plein de réalité qui nous agasse et nous déprime, alors cette galette est faite pour vous aussi ! Une vraie bouffée d’oxygène ! (1) Julien Soro et Raphaël Schwab forcent tout deux le respect. Pourquoi ? Parce qu'ils évitent les politesses d'usage bien trop courantes dans le jazz... Ce qui compte ici, c'est bel et bien la Musique, ou plutôt l'art de la conversation. Rien de conventionnel, rien de violent non plus, mais une sorte d’incipit au final pour prendre un nouveau départ, quitte à se trouver au bord du précipice...

Le duo de saxophone/contrebasse est assez rare de nos jours, même si l'on évoquera ici et là quelques réussites majeures (Old And Unwise avec le saxophoniste Tim Berne et le contrebassiste Bruno Chevillon ou encore le remarquable Wood avec Matthieu Donarier et Sébastien Boisseau, respectivement aux saxophones et à la contrebasse). Celui de Schwab / Soro est « autre » mais n’en demeure pas moins lumineux, de cette lumière diaphane, de ce blanc laiteux. Aucune falaise n’aurait pu donner une idée de cette musique, oblique en un endroit, diaphane en un autre, et sur laquelle la lumière et l’ombre produisent les jeux les plus étonnants. L’idée de ce duo atypique dont on saluera la longévité a germé vers la fin de l’année 2011 (en ces temps de précarisation institutionnalisée, cinq ans, c’est déjà un exploit !). Loin du disque de commande, loin du disque commercial, « Volons ! » laisse une impression tenace : celui de tenir le langage sincère de deux esthètes, de deux poètes. Comment ne pas être touché par leur démarche artistique ? Pas besoin d'être musicologue ou docteur es-arpèges en tous les cas pour apprécier cet enregistrement sincère et d'une authenticité bienvenue.

Au cours de ces neuf thèmes oscillant entre trois et sept minutes (durée de la galette 44 minutes), la musique se fait cajoleuse, tendre, poétique, et prend des contours jazz de toute beauté. Le raffinement avec lequel dialoguent les deux musiciens fait tomber toute résistance. La musique est d’un naturel qui laisse pantois. C’est alors que notre cœur se met à battre la chamade ! Quelle dose d’humilité a-t-il fallu à ces deux hommes bourrés de talents pour réaliser une œuvre aussi juste ? En tout cas, cette œuvre nous accompagnera longtemps, pour accompagner nos rêves et nos espoirs. Un jour, un écrivain disait, « les petits livres sont plus durables que les gros » (2). Je suis parfois amené à penser la même chose pour les « petits » disques tels que celui-ci. Notre société révère les gros objets, les grosses voitures, les grandes maisons, les grands disques, les coffrets volumineux... Mais comme une fine lame de rasoir, comme un petit chemin, « Volons ! » va plus loin. Ce qui est exquis vaut parfois mieux que ce qui est ample. Et un disque qui montre un esprit vaut mieux que celui qui ne montre que ses musiciens. Avec des titres comme « Mambo », « Jolie Valse Joyeuse » (quelle poésie, mes amis !), « Posément », « De Conserve » (avec Raphaël Schwab alternant le jeu à l’archet et celui tout en pizzicati sur les cordes de sa contrebasse tandis que son partenaire butine au saxophone dans les branches d’une pensée en fleurs !), nos deux amis inventent, composent tout un répertoire qu’un Apollinaire et un Baudelaire n’auraient pu renier. Ces miniatures dans des entrelacs lyriques et obliques nous poussent à une douce rêverie, à des lendemains plein d’espoir, sans esprit triomphaliste... Sur « Jérôma », la douceur mélodique de la musique me fait dire ceci : ces musiciens vous parlent, mais il s’agit de « parler » pour l’oreille. Cette fausse candeur et cette fausse innocence sont troublantes. Quand à cela s'ajoute une prise de son exceptionnelle, on ne peut que dire « merci ».
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(1) Le disque est paru sous le format digipack (simple battant), publié par le label Neuklang (octobre 2016).

(2) Jean-Claude Pirotte.

 

Schwab Soro Volons !

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