Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
considérations littéraires, musicales, cinématographiques, politiques et philosophiques...
Publicité
Archives
16 mai 2016

New-York is Now... * * * *

Sous ce nom insolite, « Renku », nom que s’est approprié un collectif new-yorkais apparemment méconnu, se cachent en réalité trois musiciens bourrés de talent : Michael Attias (saxophone alto), John Hébert (contrebasse) et Satoshi Takeishi (batterie). Cette désignation, « Renku », est en fait dérivée d’un style propre à la poésie japonaise, laquelle pose comme règle de base un équilibre entre liberté et rigueur. Désignation parfaitement assumée pour ce collectif qui tourne depuis une bonne dizaine d'années et s’avère l’un des plus passionnants à l’heure actuelle. Si l'amateur connaît bien John Hébert (pour l'avoir entendu et apprécié dans pas mal de galettes, notamment aux côtés de Fred Hersch et Ingrid Laubrock), Michael Attias, en revanche, est moins connu du public, et c'est bien dommage, tant ses qualités de musicien sont indéniables : au saxophone alto, ses sonorités sont amples et obliques. Attias ne fait jamais dans le rentre-dedans. On pourrait même le situer entre Lee Konitz et Guillaume Orti. Le saxophoniste d’origine israélienne installé à New-York depuis 1994 joue avec une franchise et une sincérité qu’on est loin d’oublier. Souvenez-vous, le batteur Paul Motian l'avait même intégré dans son collectif (notamment dans la série des On Broadway…). Tout récemment encore, le pianiste français Gaël Mevel l’a sollicité (pour un très beau disque en duo et un autre en quartette, le fameux « Atlas Quartet »). Voici donc le premier enregistrement live issu d'une tournée en 2014 (il s'agissait pour ces trois musiciens d’explorer au cours de deux soirées au Greenwich House Music School un répertoire quasi-original). Tout un programme.

 

L'intérêt, on l'aura compris, c'est que ce collectif bâtit une œuvre unique et qu'il est certainement, à l'heure actuelle, l'un des tout meilleurs du circuit jazzique. On ne le répètera jamais assez. Ce « live » constitue en tout cas une œuvre fondatrice et essentielle pour qui s’intéresse au jazz contemporain. D’une exigence peu commune (la composition « 70 & 80s Remis » est à ce titre exceptionnelle), les trois musiciens font corps autour d’une musique chimique et organique, la laissant déambuler là où elle veut bien aller, mais sans jamais osciller vers un free jazz bruitiste. Tout est admirablement contrôlé et merveilleusement interprété. L’artificier Satoshi Takeishi possède par ailleurs un drive hallucinant (frisées, commentaires). Les musiciens jouent ainsi le plus naturellement du monde avec une rare et belle alchimie. Entre élégance et jeu basé sur questions et réponses (« Goodbye Rumination »), on baigne dans ce qui se fait de mieux sur scène aujourd’hui, quand celle-ci se détache de toutes les références absolues au passé (que l'on songe aux trios de Lee Lonitz avec Sonny Dallas et Elvin Jones ou encore à celui d'Ornette Coleman avec David Izenzon et Charles Moffett).

 

En l'espace de neuf plages (quatre compositions de Michael Attias, deux de John Hébert, une de Satoshi Takeishi et une de Paul Motian), les musiciens tissent une musique incandescente qui me paraît donc essentielle. Disons que l'échange est ce qui prime ici. Pas question de jouer les stars. Pas de place pour l’égo non plus. De toute façon, ces musiciens et cette musique ne s'apprécieront que de celles et ceux qui prennent le temps d'écouter et qui n’ont pas trop de merde dans les oreilles. Loin du star-system actuel, des paillettes et autres gondoles décoratives, le collectif « Renku » donne à entendre la vie, et le mouvement de celle-ci. Bref, si l’on sait savourer pleinement un jazz sans paillette et jamais consensuel, on sera les heureux récipiendaires d’un tel cadeau. Point de glamour et encore moins de revivalisme. Et pourtant quelle musique bouillonnante ! Quel sens de la création ! Les idées s’échafaudent sur un tapis de velours. La pochette est en outre sublime. Neuf plages incandescentes donc, et une préférence personnelle pour les quatre derniers titres qui sont d'un niveau exceptionnel (entre ébullitions, bouillonnements et explosions rythmiques). Les cinq premiers thèmes étant plus axés sur l'exploration thématique, telles des courants sous-marins prêts à vous emporter au large. Bravo encore une fois au label Clean Feed et à ces musiciens qui n'ont peur de rien. Que les programmateurs les invitent dans des clubs, on n'en sera que davantage réjouis.

Renku Live in Greenwich Village

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité